Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 2.djvu/18

Cette page a été validée par deux contributeurs.
14
HISTOIRE

tous les lieux de réunions populaires. Ce fut dans ce club que s’exerça la police la plus active[1]. M. Ledru-Rollin, Lamartine, Marrast y répandirent des sommes considérables, prises sur les fonds secrets de leurs départements. Chacun cherchait à s’y faire des partisans. M. de Lamartine entretenait de fréquents rapports avec M. Sobrier ; M. Ledru-Rollin y agissait par MM. Grandmesnil et Longepied. MM. Villain et Cahaigne appartenaient plus particulièrement à M. Caussidière. Mais, malgré tant d’intrigues, ou plutôt à cause de ces intrigues, le club des clubs et le journal la Commune de Paris qui lui servait d’organe, eurent un effet diamétralement contraire à celui qu’on en attendait. Ils déconsidérèrent dans l’opinion plusieurs des membres du gouvernement provisoire qui s’abaissaient à chercher de pareils auxiliaires, et jetèrent dans la population des campagnes les plus déplorables préventions contre la République.

L’attrait des clubs était vif pour la population parisienne qui aime la nouveauté, la parole, et ne hait pas un peu de scandale. Mais leur influence ne fut ni homogène, ni salutaire. La voix des hommes sérieux y put rarement dominer le tapage des fous ; les conseils d’une sage politique ne s’y frayèrent qu’un chemin difficile à travers les flatteries et les exagérations perfides dont on commençait à empoisonner l’oreille du peuple. Au lieu d’enseigner aux prolétaires les nouveautés de l’institution démocratique et le sens profond de la souveraineté du peuple, on leur souffla dans la plupart des clubs un mauvais esprit d’imitation jacobine ; on leur apprit le langage d’un autre temps qu’ils avaient oublié ; on suscita en eux un esprit de despotisme révolutionnaire qui faillit, en plusieurs circonstances, perdre une cause dont la grandeur n’avait besoin pour triompher que de temps et de liberté. Des improvisateurs, des hommes

  1. Voir au volume I, p. 247, du Rapport de la commission d’enquête, la déposition de M. Cartier sur les quatre polices de Paris.