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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

dans les conseils du ministre de l’intérieur. Là, comme nous avons eu occasion de le remarquer, on croyait beaucoup à l’intimidation extérieure et intérieure ; on y poussait ; et comme l’action de chacun des ministres était complétement indépendante de celle des autres, il en résulta, dans cette occasion en particulier, pour le gouvernement provisoire, une apparence de déloyauté qui eût été évitée par une concentration plus rigoureuse des pouvoirs politiques. Ni M. de Lamartine ni M. Ledru-Rollin, n’avaient de vues bien arrêtées sur le rôle nouveau que la République créait à la France, dans cette transformation de l’état européen dont ils se formaient tous deux une idée assez vague ; mais, du moins, M. de Lamartine restait-il conséquent, lui qui avait repoussé la guerre générale, en refusant son concours à de petites expéditions clandestines dont l’issue ne pouvait être douteuse ; tandis que M. Ledru-Rollin, comme nous l’allons voir, entraîné par sa faiblesse, retenu par son instinct, ne sut ni les vouloir, ni les empêcher, et laissa se tramer sous ses yeux des complots dont le dénoûment ridicule porta la première atteinte à ce sentiment de grandeur et de force qui s’attachait dans toute l’Europe au nom de République.

Entre toutes les personnes qui exerçaient de l’influence sur le ministre de l’intérieur, M. Caussidière était la plus favorable à cette idée de propagande armée. L’émigration belge en particulier l’avait circonvenu. Chasser de Bruxelles le gendre de Louis-Philippe et proclamer la république belge lui paraissaient un jeu d’enfant. Dans les premiers jours de mars, il s’en ouvrit à M. Ledru-Rollin et lui communiqua un plan de campagne. Selon lui, 2,000 réfugiés belges sont prêts à partir ; si le ministre consent à mettre à leur disposition la somme de 100,000 francs et à leur adjoindre les 2,000 gardes municipaux inoccupés que l’on tient sous la main à Beaumont-sur-Oise, l’affaire peut être considérée comme certaine. De son côté, le commissaire de la République dans les départements du nord, M. Delécluze, écrivait dans le même sens que M. Caussidière,