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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

prolétariat dont il avait embrassé les intérêts et dont il servit la cause avec zèle et persévérance.. Il était fils d’un tonnelier de Dijon. Élevé pour la magistrature, il fit connaître son nom au peuple par la publication d’une Histoire universelle populaire, par celle d’une Histoire de la Révolution française, que la presse démocratique appela le Manuel des patriotes, et par la fondation du journal le Populaire. Le parti démocratique le porta à la députation en 1831. En 1834, un procès politique l’obligea à s’éloigner. Il passa cinq années en Angleterre. C’est là qu’il entra en relation avec le célèbre Owen et qu’il étudia ses doctrines. À l’expiration de sa peine ; M. Cabet, de retour à Paris, en 1839, désabusé des conspirations par l’expérience, ennemi par tempérament des luttes à main armée, se proclama communiste. Comme il était doué de l’esprit d’apostolat, il entreprit de prêcher ses nouvelles théories, les rattacha à l’Évangile et en composa un système d’organisation sociale dont il décrivit dans un ouvrage d’imagination (Voyage en Icarie) les lois, les mœurs, les coutumes et surtout les plaisirs. Des publications multipliées, une polémique très-vive contre le National, la création, sur de nouvelles bases et dans un esprit ouvertement communiste, du journal le Populaire, groupèrent autour de M. Cabet des esprits simples, des hommes honnêtes qu’attiraient la morale bienveillante, le ton paternel d’un enseignement qui n’empruntait rien à la science ni à la philosophie. M. Cabet possédait à un haut degré le talent de l’organisation ; il cachait sous les dehors d’une bonhomie communicative l’instinct et même les habiletés du pouvoir. Il sut plier à une discipline aveugle des hommes d’une grande énergie, les fanatisa doucement par insinuation, et prit en peu d’années, sur la secte particulière du communisme qui retint le nom d’icarienne, une autorité dont la nature et les moyens, petits en apparence, mais forts par leur multiplicité et leur unité, tenaient du despotisme clérical plutôt que de l’ascendant d’un chef populaire.