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HISTOIRE

La presse cléricale et légitimiste se répandit en calomnies contre M. Arago, le traitant tout à la fois de pacha et de communiste ; elle n’appela plus son décret que l’ukase et démontra qu’il avait entrepris la destruction de la famille et de la propriété. Le langage des clubs et des émissaires du parti clérical fut plus violent encore. Ils dirent, ils répétèrent partout, dans les villes et dans les campagnes, que Les disciples de Voltaire écrasaient les catholiques, que la République était une monstruosité. Ils appelèrent sur elle les vengeances divines[1] ; ils prêchèrent ouvertement le refus de l’impôt.

Ces violences, inexcusables au point de vue de l’équité, étaient de la dernière imprudence au point de vue de la sécurité publique, car les ouvriers que l’on provoquait ainsi étaient encore, à ce moment, maîtres de la ville. Sous la dictature des Voraces, ils ne reconnaissaient ni l’autorité du commissaire, ni celle de la municipalité, obéissant exclusivement au conseil exécutif, constitué révolutionnairement le 25 février, et qui depuis lors n’avait pas quitté l’Hôtel de Ville. Le quartier général des Voraces était établi à la Croix-Rousse. En relation directe avec les clubs populaires, très-mal avec la partie bourgeoise de la garde nationale, ils faisaient la police et maintenaient l’ordre dans les rues[2], mais à leur manière et par des moyens qui causaient plus de frayeur qu’ils ne donnaient de sécurité. Les visites domiciliaires étaient extrêmement fréquentes ; on se sentait absolument à leur merci. Ni la troupe de ligne, où l’insubordination faisait chaque jour de nouveaux progrès, ni la garde nationale, où la bourgeoisie était en minorité, ne rassuraient personne.

  1. Les mots soulignés sont extraits textuellement des journaux ultramontains de Lyon.
  2. « Nous devons être impartiaux, même pour eux (les Voraces), dit l’Annuaire de Lyon (1849), publié par un conservateur ; on n’eut à leur reprocher aucun attentat contre les personnes, ni contre les propriétés ; ils ne coûtèrent rien à la ville, etc. »