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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

contre la République. Dans l’espoir de déjouer ce complot, la multitude se porta aux barrières de la ville, et se mit en devoir de fouiller toutes les voitures. On peut se figurer de quels désordres une pareille exécution fut l’occasion ou le prétexte. M. Arago qui, malgré ses instances réitérées, ne recevait du ministère de l’intérieur ni ordres, ni instructions, ni secours, eut dans cette pressante nécessité l’idée de donner une satisfaction apparente au peuple et de prévenir ainsi des désordres plus graves, en rendant un décret qui prohibait la sortie du numéraire, un autre qui frappait les quatre contributions directes d’un impôt extraordinaire, avec exemption des cotes au-dessous de 25 fr., et des patentes au-dessous de 100 fr. En même temps, il prenait sur lui de consacrer une somme de 500,000 fr. envoyée par M. Garnier-Pagès pour fonder le comptoir d’escompte, à solder la paye arriérée des ateliers nationaux[1].

L’occupation des forts par les ouvriers donnait aussi de graves inquiétudes au gouvernement. M. Arago décida de se rendre à la Croix-Rousse et de tâcher d’obtenir par la persuasion ce qu’il n’avait aucun moyen d’obtenir d’une autre manière : la remise des forts à la garde nationale. Il comptait dans cette circonstance difficile sur le concours de quelques-unes des principales associations ouvrières, entre autres sur celle des Voraces, avec laquelle, depuis son arrivée à Lyon, il entretenait de bons rapports, et qui s’était engagée d’honneur à exercer dans la ville une police rigoureuse. L’attente de M. Arago ne fut pas déçue. La réunion convoquée

  1. Ce changement de destination, devenu le texte de calomnies grossières, ne fut décidé par M. Arago qu’après qu’il eut pris l’avis de M. Laforest, maire de Lyon, de M. Delahante, receveur général, de M. Magimel, inspecteur des finances, de M. Olivier, directeur du comptoir d’escompte. Tout le monde tomba d’accord qu’il fallait courir au péril le plus pressant, et qu’on ne pouvait, sans s’exposer à d’horribles malheurs, ajourner la paye de 20,000 ouvriers en armes. Le gouvernement provisoire approuva, d’ailleurs, la mesure de M. Arago.