Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 1.djvu/74

Cette page a été validée par deux contributeurs.
58
INTRODUCTION.

vement vaincue ni en France ni en Europe. Les espérances qu’elle a fait naître, nous les voyons plus ardentes peut-être, plus profondes à coup sûr, et plus près de se réaliser, en Italie, en Hongrie, en Pologne, chez tous les peuples qui n’ont point conquis encore leur indépendance nationale, l’entière liberté de conscience, la parfaite égalité démocratique. Partout les gouvernements absolus paraissent plus haïs des populations et plus menacés qu’ils ne l’ont été jamais par l’esprit de la révolution française. Jamais non plus l’avenir de notre pays n’a été plus visiblement lié aux progrès de la démocratie. Cet avenir, par le suffrage universel, est aujourd’hui dans les mains du peuple. Il dépend tout entier de l’exercice intelligent de ce droit nouveau que la révolution de 1848 lui a remis ; et ce droit, bien qu’il n’ait pas produit du premier coup tout le bien qu’on en devait attendre et qu’il ait paru se tourner contre ceux-là même qui l’avaient établi, n’en est pas moins l’assise véritable de la démocratie moderne. Il contient en soi, il rend nécessaires, inévitables, prochains même, cette amélioration du sort de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre, cet ennoblissement du peuple par l’instruction et par le bien-être, qui furent le rêve des premiers réformateurs et qui sont la réalité sérieuse poursuivie, à travers mille chimères, par le socialisme moderne. Si le peuple aujourd’hui n’accomplissait pas pacifiquement cette grande transformation sociale dont les philosophes du dix-huitième siècle et les législateurs de la Constituante lui ont tracé les voies, il ne pourrait plus en accuser que lui-même, car il est devenu maître de ses destinées.