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INTRODUCTION.

combattit le prolétariat révolté ; elle pointa ses canons, elle tourna ses baïonnettes contre le désespoir populaire, et la révolution sociale fut vaincue. Mais la révolution politique était atteinte. À partir des néfastes journées de juin, elle ne fit plus que languir ; épuisée par le sang répandu, chancelante en ses conseils, reniée par le peuple qui se croyait trahi, abandonnée, comme l’avait été la royauté, par une bourgeoisie ingrate et sans discernement à qui elle avait donné et demandé la force, isolée dans une politique indécise qui lui avait aliéné la sympathie des peuples sans lui gagner l’amitié des rois, elle entra dans un rapide déclin, et déjà elle n’existait plus que de nom, lorsqu’un second Bonaparte vint occuper sa place. Dans ce même palais d’où le peuple, en se jouant, avait ôté, comme un meuble inutile, le fauteuil d’un roi citoyen, Napoléon III fit remettre, avec l’appareil militaire et la pompe des cours, le trône impérial. Aujourd’hui, de la révolution de 1848, il ne reste plus qu’une seule institution, et c’est précisément l’institution qui a servi à la détruire : le suffrage universel. Aussi, par un grand nombre de gens, la révolution de février est-elle considérée comme une tentative déraisonnable, un accident, un contre-sens historique dont il serait souhaitable d’effacer jusqu’à la dernière trace. Telle n’est pas la conclusion à laquelle nous conduit, après un intervalle de quatorze années, l’examen nouveau de la suite des événements. Ce n’est point ici le lieu des conjectures et des prophéties. Cependant, malgré les apparences contraires, il est permis de penser que la révolution de 1848 n’a été définiti-