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INTRODUCTION.

mesure que le socialisme en gagnait. Depuis 1839, les hommes les plus énergiques de ce parti étaient découragés par les échecs constants de leurs tentatives à main armée. Barbès et Blanqui, les deux chefs de conspiration les plus actifs, étaient en prison. Pour échapper à la police, les sociétés secrètes avaient été forcées de se transformer de tant de manières que leur organisation, chaque jour affaiblie, n’exerçait plus d’action efficace. Elles se bornaient en ces dernières années à de vagues projets de complots et à une propagande subalterne. Le journal qui naguère avait été l’expression vive du républicanisme, le National, rédigé, depuis la mort d’Armand Carrel, par MM. Marrast, Thomas, Jules Bastide[1], Trélat, quoique toujours très-agressif dans la forme, inclinait sensiblement vers une entente avec l’opposition dynastique. Les républicains austères tenaient en grande suspicion cette coterie habile de républicains bourgeois (c’est le nom qu’on leur donnait), qu’ils accusaient d’intrigues et d’ambitions égoïstes. Le seul foyer ardent du républicanisme montagnard était la Réforme. Fondée en 1843 par MM. Flocon, Baune et Grandménil, dans le dessein formel de renverser la dynastie d’Orléans, la Réforme, qui comptait parmi ses rédacteurs MM. Godefroi Cavaignac, Ledru-Rollin, Louis Blanc, Ribeyrolles, Étienne Arago, Schœlcher[2], avait mieux

  1. M. Bastide s’était éloigné depuis quelque temps du National pour devenir le collaborateur de M. Buchez dans la Revue Nationale ; mais la bonne intelligence n’était pas rompue néanmoins entre le voltairianisme de M. Marrast et le catholicisme de son ancien collaborateur.
  2. La Réforme recevait l’impulsion d’un comité composé de MM. François et Étienne Arago, Baune, Dupoty, Flocon, Guinard, Joly, Lesseré,