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INTRODUCTION.

langue du phalanstère, tandis que madame Sand, passionnée pour le communisme pur, pour ce qu’elle appelait le sublime et terrible but du partage des biens, revêtait de toutes les splendeurs d’un style magique les utopies de M. Pierre Leroux. Une autre femme, madame Flora Tristan, après avoir visité les réceptacles les plus abjects de la misère du peuple, entreprenait, non sans succès, de prêcher aux ouvriers l’association et le secours mutuel.

Ainsi qu’on peut s’en convaincre d’après cet exposé succinct, l’ensemble des doctrines comprises sous le nom de socialisme ne puisait sa force ni dans le génie de l’invention ni dans la science organisatrice ; mais, comme il était né d’un besoin vrai et profond, comme il exprimait avec éloquence un état moral et physique qui ne se pouvait souffrir sans crime et que l’État laissait s’aggraver chaque jour, sans songer même à y chercher quelque palliatif, le peuple, qui n’avait ni le temps, ni les connaissances nécessaires pour analyser et critiquer les principes et les hommes, accourut et se rangea autour des nouveaux apôtres par curiosité d’abord, puis avec enthousiasme et reconnaissance. Il salua de ses acclamations, il honora de ses déférences et de sa docilité les chefs du socialisme. Une puissance considérable, hors de proportion avec leur génie, leur fut ainsi donnée sur l’opinion des masses.

Le radicalisme ou le républicanisme exclusif, qui, depuis 1793, n’avait pas cessé d’être en rapport avec le peuple et qui cherchait, comme le socialisme, son point d’appui dans les masses, perdait du terrain à