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INTRODUCTION.

remplissait sa mémoire d’hypothèses bizarres et de formules algébriques empruntées à son compatriote Fourier. Dans une solitude austère où il sevrait son imagination et son cœur de toute joie, hostile à la poésie, à l’art, concentrant toutes ses facultés dans d’abstruses recherches, il lut beaucoup, il lut avec fanatisme et s’identifia si bien avec ses lectures qu’il prit de très-bonne foi pour siennes les nouveautés qu’il découvrait chez ses auteurs de prédilection.

Ayant une vue plus nette des besoins de la civilisation moderne que le vulgaire des socialistes, M. Proudhon ne se lasse pas de répéter que c’est à la science seule qu’il appartient de guérir les plaies sociales. Mais, comme nous le verrons plus tard, la science de M. Proudhon, incohérente et sans méthode, mêlant tout, les questions de salaire et les théodicées, le prêt gratuit et les hallucinations bibliques, l’algèbre et le pot-au-feu, ne voulant voir l’univers que sous le grossier aspect de la production et de la consommation, ne devait aboutir qu’à un laborieux avortement et à une glorification de l’ironie[1].

À côté des sectaires et des apôtres que je viens de nommer, des écrivains brillants, des romanciers pleins de verve, employaient leur talent à vulgariser les idées, ou plutôt les tendances socialistes, dans la classe lettrée du peuple. L’un des plus célèbres, M. Eugène Sue, faisait parler à ses personnages la

    aux lecteurs français, peu familiers avec la métaphysique allemande, l’indice certain d’une grande invention et d’une science profonde.

  1. Voir les statuts de la Banque du peuple et les Confessions d’un révloutionnaire, 1849.