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INTRODUCTION.

session d’une célébrité précoce, M. Louis Blanc, tout en jetant par son talent un grand éclat sur l’idée socialiste, rallia à son système particulier et passionna pour sa personne la partie la plus intelligente des ouvriers des villes. Dans un livre intitulé : De l’organisation du travail, il exposa l’ensemble de sa doctrine, dont les germes se trouvaient déjà épars dans l’Histoire de dix ans ; doctrine fort simple au premier abord, car il s’agissait, sans plus, de supprimer les mauvais effets de la concurrence industrielle, en mettant aux mains de l’État l’industrie collective, organisée en ateliers nationaux, administrée par des conseils électifs, sous le régime de l’égalité des salaires. Le mobile de l’honneur collectif substitué à celui de l’intérêt personnel, une disposition présumée permanente au dévouement et à la fraternité, forment les assises morales de cet état industriel, ce qui revient à dire que l’organisation imaginée par M. Louis Blanc est une généreuse chimère ; car le dévouement, cette magnificence de l’âme, ne pourra jamais, en aucun temps, quel que soit le perfectionnement de l’humanité, s’écrire dans une constitution sociale ; jamais il ne pourra se commander de par la loi. On conçoit cependant qu’une telle théorie, présentée aux imaginations populaires avec une verve et une abondance juvéniles, ait dû les séduire préférablement à toute autre. Aussi la retrouverons-nous bientôt portée par le flot révolutionnaire au gouvernement dans la personne de son auteur. Nous y reviendrons alors pour l’examiner non pas tant dans sa valeur propre que dans son action sur les masses.