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PRÉFACE

ments de nos guerres civiles. Écho vivant d’un temps qui n’est plus, ce livre en garde l’accent passionné. Je crois sentir encore, en le parcourant, quelque chose de l’électricité dont l’atmosphère alors était chargée et qui se communiquait aux âmes les plus froides. J’y retrouve des mots dont nous avons perdu le sens. L’amour de la patrie et l’amour de la liberté y parlent un langage que nous n’entendons plus.

Aussi ai-je hésité avant de me résoudre à publier, pour la seconde fois, cette histoire, et plus d’un sage avis m’en est-il venu dissuader. « Qu’allez-vous faire, m’a-t-on dit, et quelle erreur est la vôtre, si vous croyez nous intéresser en rappelant des souvenirs importuns, des sentiments hors de mode, des choses et des gens qui n’ont pas réussi ! À quoi bon venir parler encore d’une révolution avortée ? Ne voyez-vous donc pas combien ceux qui l’ont faite en paraissent embarrassés, et comme ils s’entr’accusent en des apologies où chacun rejette sur autrui la part qui lui revient à lui-même dans la commune disgrâce ? Laissez plutôt dans l’ombre un livre inutile et qui ne viendrait point à son heure. Trop éloigné ou trop proche des événements, il portera la peine de ce double défaut. Passionné pour des idées qui ne passionnent plus personne, désintéressé entre des rivalités rétrospectives qui cherchent des panégyristes et non des juges, il ravivera des piqûres d’amour-propre et des colères mal éteintes, mais il ne