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INTRODUCTION.

chézienne, rédigés avec un grand talent, firent une sérieuse propagande d’idées socialistes ; quant au système particulier d’organisation industrielle proposé par M. Buchez, il ne rencontra que des adhésions très-peu nombreuses[1].

Un autre chef d’école, également sorti du saint-simonisme à l’époque où MM. Bazard et Enfantin se séparèrent, M. Pierre Leroux, prit aussi rang parmi les réformateurs. Porté par nature aux contemplations synthétiques, doué d’une grande puissance d’intuition, M. Pierre Leroux s’absorba dans une sorte de panthéisme emprunté aux Indes et à l’Allemagne. Il prit aux philosophes des âges primitifs leur symbolique, à Pythagore sa métempsycose, au catholicisme sa conception ternaire, et tenta, au moyen de ces matériaux hétérogènes, d’édifier une philosophie religieuse de l’humanité[2]. La première exposition de ces idées revêtit des formes obscures et nuageuses. Peu à peu, dans des brochures et des livres écrits avec l’éloquence d’une âme tendre et expansive[3], M. Pierre Leroux s’efforça de dégager ses conceptions et de les condenser en un système d’organisation sociale et politique ; mais il n’y parvint jamais entièrement, pas même alors qu’abandonné de ses premiers adeptes, il se vit libre et seul responsable des audaces de sa pensée.

Esprit vif et brillant, journaliste et historien en pos-

  1. Les essais de réalisation de ce système ne furent point heureux. Voir le rapport de M. Delessert, Revue rétrospective, no 6, sur la Société des industries unies et le Grand-Saint-Joseph.
  2. Voir l’Encyclopédie nouvelle et la Revue sociale.
  3. Voyez De l’égalité, 1838 ; Réfutation de l’éclectisme, 1839 ; Malthus et les économistes ; De l’humanité, 1840 ; De la Ploutocratie, 1848.