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INTRODUCTION.

Vint enfin le communisme qui, s’adressant au sentiment et à l’instinct, laissant de côté toute notion philosophique ou scientifique, devait s’emparer aisément des âmes simples, d’autant plus qu’il prenait pour mot de ralliement, alors même qu’il dissimulait le moins ses projets spoliateurs, une parole émouvante, facilement comprise et retenue : fraternité !

Le communisme ne faisait point son entrée dans le monde. Dès l’origine des sociétés on le voit apparaître, et jamais il n’a cessé de tenir sa place dans l’histoire de la civilisation, soit à l’état de secte, soit même à l’état d’institution dans la législation des peuples. On en trouve des traces dans une partie des gouvernements de la Grèce antique, dans les doctrines platoniciennes, dans les commencements de l’Église chrétienne, chez les anabaptistes, dans les congrégations moraves, chez les levellers, parmi les compagnons de Penn en Amérique, dans les missions ou réductions des jésuites au Paraguay, dans l’organisation du village russe, dans les écrits des Morus, des Campanella, des Towers, des Filangieri, des Mably, des Morelly, etc. À quinze siècles d’intervalle, l’empereur Galien et le second Bourbon de Naples tentaient de réaliser, presque dans les mêmes lieux, les utopies communistes de Platon et de Filangieri. En 1795, la conspiration de Babœuf fit entrevoir à la France l’épouvantail d’un communisme sanglant. Le communisme de nos jours ne se différenciait de ses aînés dans l’histoire que par sa plus complète incompatibilité avec l’état de civilisation scientifique dont la société commence à avoir conscience et vers lequel elle progresse de plus en plus.