Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 1.djvu/54

Cette page a été validée par deux contributeurs.
38
INTRODUCTION.

turiers, l’association à l’antagonisme, en remplaçant la commune incohérente et morcelée, par le phalanstère qui cultiverait, d’après un plan bien combiné, une étendue commune, et serait administré par un conseil électif, chargé de la répartition des produits selon l’apport de chacun en capital, en travail et en talent. Le travail, selon la doctrine fouriériste, étant une loi naturelle que nul ne viole sans souffrance, devait, si notre éducation et notre vie sociales ne nous rendaient rebelles aux vues de Dieu, être toujours attrayant et productif. De cette conception fondamentale découlaient dans tous les ordres de la pensée, dans la science, dans les arts, une foule de combinaisons ingénieuses. Quant aux idées de Fourier sur les relations des sexes, comme elles étaient de nature à choquer tout autant et plus encore peut-être que la doctrine saint-simonienne, on les laissa dans l’ombre ; on ne les traita plus qu’entre initiés ; elles passèrent à l’état de questions réservées. Mais, tout en occupant avec le saint-simonisme une place considérable dans la publicité, le fouriérisme ne fut jamais non plus, à proprement parler, populaire. La hiérarchie théocratique de Saint-Simon et les combinaisons compliquées de l’arithmétique fouriériste ne pouvaient point saisir l’esprit des masses. Il y avait là beaucoup trop de doctrine et d’érudition. Le retentissement de ces deux écoles apprit aux travailleurs que des philosophes s’occupaient sérieusement d’améliorer leur sort ; mais la simplicité du génie populaire ne fut point touchée par des théories qui parlaient le langage de l’abstraction et de la science.