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DOCUMENTS HISTORIQUES.

V


Déclaration du comité électoral démocratique publié le 24 février 1848

Le ministère est renversé : c’est bien.

Mais les derniers événements qui ont agité la capitale appellent sur des mesures, devenues désormais indispensables, l’attention de tous les bons citoyens.

Une manifestation légale, depuis longtemps annoncée, est tombée tout à coup devant une menace liberticide lancée par un ministre du haut de la tribune. On a déployé un immense appareil de guerre comme si Paris eût eu l’étranger, non pas à ses portes, mais dans son sein. Le peuple, généreusement ému et sans armes, a vu ses rangs décimés par des soldats. Un sang héroïque a coulé.

Dans ces circonstances, nous, membres du comité électoral démocratique des arrondissements de la Seine, nous faisons un devoir de rappeler hautement que c’est sur le patriotisme de tous les citoyens organisés en garde nationale que reposent, aux termes mêmes de la charte, les garanties de la liberté.

Nous avons vu sur plusieurs points les soldats s’arrêter, avec une noble tristesse, avec une émotion fraternelle, devant le peuple désarmé. Et, en effet, combien n’est pas douloureuse pour des hommes d’honneur cette alternative de manquer aux lois de la discipline ou de tuer des concitoyens ! La ville de la science, des arts, de l’industrie, de la civilisation, Paris enfin, ne saurait être le champ de bataille rêvé par le courage des soldats français. Leur attitude l’a prouvé, et elle condamne le rôle qu’on leur impose.

D’un autre côté, ta garde nationale s’est énergiquement prononcée comme elle le devait en faveur du mouvement réformiste, et il est certain que le résultat obtenu aurait été atteint sans effusion de sang, s’il n’y eût pas eu, de la part du ministère, provocation directe, provocation résultant d’un brutal étalage de troupes.

Donc, les membres du comité électoral démocratique proposent à la signature de tous les citoyens la pétition suivante :

Considérant :

Que l’application de l’armée à la compression des troubles civils est attentatoire à la dignité d’un peuple libre et à la moralité de l’armée ;

Qu’il y a là renversement de l’ordre véritable et négation permanente de la liberté ;

Que le recours à la force seule est un crime contre le droit ;