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HISTOIRE

fins des caractères supérieurs, il manquait cependant des qualités essentielles pour cimenter un parti. Inconséquent, railleur, léger, désordonné en affaires, il perdait en un jour, par un mot, par une inadvertance, l’avantage conquis par de longues menées. Toute son action, pendant la durée du gouvernement provisoire, ne fut qu’une action de police ou de diplomatie. Ses préoccupations personnelles et le scepticisme de son esprit réduisirent à une influence négative la part d’autorité que lui faisaient ses antécédents, la persécution soufferte pour la cause républicaine et sa rare capacité.

Nous avons vu qu’à son entrée dans le conseil, M. Marrast s’était contenté du titre modeste de secrétaire. Il n’appuya point les réclamations de M. Louis Blanc et demeura étranger à la substitution qui se fit, dès le 26, au Moniteur[1] ; il n’attachait pas d’importance aux marques extérieures du pouvoir et croyait d’autant mieux s’en assurer la réalité qu’il entrerait moins directement en lutte avec ses collègues. Mais une fois installé à l’Hôtel de Ville, le 10 mars, il sut prendre ses mesures. Son premier soin fut de congédier le conseil municipal, après quoi il fortifia la garde de l’Hôtel de Ville portée, sous le commandement du colonel Rey, à 2,700 hommes ; puis il mit sur pied une police active et nombreuse[2], chargée principalement de surveiller la police de M. Caussidière, celle de M. Ledru-Rollin et celle de M. de Lamartine. Il eut bientôt des agents au ministère de l’intérieur, dans tous les clubs, dans tous les ateliers, et fut de tous les membres du gouvernement le plus exactement renseigné sur les intrigues des chefs de

  1. Cette substitution se fit dans l’Office de publicité établi le 24 au soir, dans un bureau de l’Hôtel de Ville, sous la direction de M. Charles Blanc, frère de M. Louis Blanc.
  2. D’après l’évaluation de M. Adam, adjoint à la mairie de Paris, cette police, pendant l’administration de Marrast, n’a pas dû coûter moins de 50,000 francs. Les frais énormes de cette police et la négligence de M. Marrast en matière de comptes ont créé au budget de la mairie un déficit dont il a été impossible de rendre compte.