Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 1.djvu/513

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
497
DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

La majorité du conseil, voyant l’impossibilité d’évincer M. Caussidière et craignant que M. Ledru-Rollin, servi par la préfecture de police, n’usurpât, comme il paraissait y viser, la dictature, voulut du moins s’assurer, au cœur de Paris, un point d’appui solide.

La mairie de Paris, vacante par la nomination de M. Garnier-Pagès au ministère des finances, fut donnée à M. Marrast, c’est-à-dire, au National, personnifié dans l’homme le plus capable, par son esprit et par sa tactique, de lutter avec avantage contre la ruse et la popularité de M. Caussidière, l’homme de la Réforme. Cette lutte n’était pas nouvelle. Depuis sa rentrée de l’exil, en 1840, M. Marrast avait pris, dans le National, la direction de l’opposition républicaine et, du jour où la Réforme était venue lui disputer ce gouvernement de l’opinion en quittant la polémique politique, qui ne passionnait guère les masses, pour celle des questions sociales, il avait tourné contre elle sa verve railleuse et le trait acéré de ses épigrammes. Né à Saint-Gaudens, dans le département de la Haute-Garonne, d’abord élève puis maître de classe au collége de Pont-le-Voy, M. Marrast s’ennuya de cette profession obscure, vint à Paris et chercha dans la politique du journalisme une activité plus conforme à la nature de ses talents. Après 1830, il devint rédacteur en chef de la Tribune, fut impliqué, en 1834, dans le procès d’avril, s’évada de la prison de Sainte-Pélagie avec Godefroy Cavaignac et se réfugia à Londres, d’où il adressa au National une correspondance sur la politique de l’Angleterre. À son retour à Paris, il prit la direction de ce journal, dont il fit la fortune et qui le porta au pouvoir.

M. Marrast n’était point un ambitieux. Ses vues ne portaient ni haut ni loin. C’était un homme désireux de parvenir. Il souhaitait le pouvoir et la richesse, non pour élever son nom ou agrandir sa vie, mais pour se procurer des jouissances plus nombreuses. Esprit vif, habile à serrer les liens d’une coterie, à deviner, à capter, à tourner à ses