Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 1.djvu/510

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
494
HISTOIRE

que MM. Marrast, Carnot, Pagnerre et Bethmont l’attendaient dans la pièce voisine pour affaires majeures. La délibération, ainsi entamée, ne prit ni une tournure bien sérieuse ni un accent bien vif. On se voyait, d’ailleurs, en trop petit nombre pour procéder avec une apparence de légalité. M. Garnier-Pagès envoyait, ses excuses ; MM. Arago et de Lamartine ne paraissaient pas. Sur l’observation de M. Marrast, on décida aussi qu’il était indispensable de s’assurer le concours du général Courtais. Au bout d’une heure, les différents émissaires dépêchés de côté et d’autre n’ayant trouvé personne, on remit au lendemain la conférence. Le lendemain, d’autres soucis la firent encore oublier ou ajourner. Sur ces entrefaites, M. Caussidière, qui ne conférait ni ne délibérait, s’était fortifié de telle manière avec ses montagnards que c’eût été folie de l’attaquer de vive force. On essaya bien encore, à diverses reprises, de subordonner la préfecture de police à la mairie de Paris ; on évita de reconnaître officiellement Caussidière ; on tenta de lasser sa patience par mille tracasseries ; mais la résistance, appuyée par M. Ledru-Rollin, se montra plus opiniâtre que l’attaque et, le 13 mars, celui-ci fit décider que non-seulement Caussidière resterait à son poste, mais encore qu’il ne relèverait que du ministère de l’intérieur. Pendant ce temps, M. Caussidière mettait la préfecture de police sur le pied de la commune de Paris en 93. Il réunit autour de lui un véritable corps d’armée qui, sous le nom de gardes du peuple et de montagnards, lui formait une garde personnelle redoutable. Il la divisa en quatre compagnies composant ensemble environ 2,700 hommes à pied et à cheval, qui touchèrent une solde exceptionnelle de 3 francs 25 centimes par jour et portèrent, en guise d’uniforme, la blouse bleue, la ceinture et la cravate en laine rouge. Pour se faire admettre dans cette garde du peuple, il fallait avoir combattu aux barricades, être affilié aux sociétés secrètes, ou tout au moins avoir été détenu politique. Un fanatisme extraordinaire pour leur chef, qu’ils appelaient le Soleil de la