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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

jusqu’à M. Caussidière ; et, malgré la politesse du préfet de police[1], qui s’empressa d’accorder à l’intercession du ministre la grâce d’un malheureux chef de patrouille qu’on se disposait à fusiller pour avoir oublié le mot d’ordre, il ne se dissimula pas la difficulté de ranger à l’obéissance une administration pareille. L’impression qu’il rapporta de sa visite et qu’il communiqua à plusieurs de ses collègues, leur donna l’éveil. Déjà l’on était convenu de la nécessité de reconstituer le gouvernement provisoire sur de meilleures bases.

En entendant le récit de M. Bethmont, on résolut de se presser. Mieux valait, pensait-on, commencer immédiatement une lutte inévitable que de la remettre à une époque indéterminée. Laisser aux forces ennemies le loisir de se mieux reconnaître, serait une faute capitale ; il fallait réduire les factieux de l’Hôtel de Ville et ceux de la préfecture de police, avant qu’ils se fussent mis complétement d’accord. Selon le plan de ces conjurés de la République conservatrice, on devait faire une proclamation nouvelle de la République et former un nouveau gouvernement provisoire dont M. de Lamartine, qu’on ne prit pas la peine de consulter, serait président.

La hâte était grande ; le rendez-vous fut pris pour le 27, dans la nuit, chez M. Marie, afin de combiner les moyens d’exécution. M. Bethmont, chargé de rédiger la proclamation, fut exact au rendez-vous ; mais il se trouva que M. Marie, l’âme du complot, l’avait oublié. Harassé des fatigues du jour, il s’était jeté sur son lit et dormait profondément. Néanmoins, comme la chose en valait la peine, on se décida à le tirer du sommeil et à lui faire connaître

  1. Une politesse recherchée fut dans ces premiers jours l’ostentation de M. Caussidière. Des lettres de M. Delessert attestent sa courtoisie. M. Caussidière se conduisit à son égard comme M. de Lamartine l’avait fait à l’égard de M. Guizot. Il refusa d’entrer dans les appartements particuliers que madame Delessert avait quittés précipitamment et ordonna que tous les objets qu’ils contenaient lui fussent remis. (Voir aux Documents historiques, à la fin du volume, n" 17.)