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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

tion qu’aucun des membres de la société ne demeure dans l’ignorance de ses droits et de ses devoirs civils. Le principe du libre examen, dans l’ordre politique, ne se peut soutenir s’il ne se fonde, comme le libre examen religieux, dans les sociétés protestantes, sur l’instruction. Une démocratie ignorante est une force livrée au hasard, qui s’agite, se tourmente, se tourne contre elle-même, incapable de se comprendre, inhabile à se conduire, et qui devient, à la première occasion, un formidable instrument de despotisme. Cette vérité, encore trop peu comprise, n’avait pas échappé à l’instinct de la Révolution française. L’Assemblée constituante, en posant les assises du droit nouveau, déclarait en principe que l’instruction serait donnée à tous les membres de la société. Condorcet fit à l’Assemblée législative un rapport dans lequel il élevait la question à la hauteur d’une doctrine philosophique et dont les idées servirent plus tard de base aux discussions de la Convention sur l’organisation des écoles primaires. Les girondins, faisant un pas de plus, montrèrent la nécessité de la séparation de l’Église et de l’État, si l’on voulait arriver à constituer une éducation publique véritablement libérale. Puis, vinrent Robespierre, Saint-Fargeau, Lakanal, qui présentèrent successivement des projets inspirés par l’admiration des républiques antiques. Enfin, Babœuf, sacrifiant beaucoup plus complétement que ne l’avaient fait les Montagnards la liberté à l’égalité, traça, pour sa Société des égaux, un plan d’éducation où l’individu intellectuel et moral était considéré uniquement dans sa relation avec la chose publique[1].

Arrivé à ce terme extrême, il fallait de toute nécessité reculer. L’empereur Napoléon se sentit assez fort pour ramener la société en arrière. Toutefois, en rétablissant le

  1. On aura la mesure de cette manière de concevoir l’éducation sans faire acception de l’individu, par l’article de ce décret où il est dit que le jeune homme apprendra à danser pour égayer les fêtes de la patrie.