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HISTOIRE

core de condamnations rétrospectives et de chicanes constitutionnelles.

Cependant, le ministre de la justice, quoiqu’il ne voulût point faire usage de ses pouvoirs révolutionnaires pour toucher aux fondements de la législation, fut entraîné, comme tous les autres, par l’élan donné à l’opinion ; il rendit plusieurs décrets inspirés par ce sentiment supérieur de la dignité humaine qui soulevait les masses à leur insu et fondait dans la conscience publique la force et la grandeur du droit républicain[1]. En matière criminelle, l’abolition de l’exposition publique, l’abrogation des lois de septembre contre la presse ; en matière civile, l’abolition du serment politique, la suppression de la contrainte par corps, la diminution des frais de justice, les facilités données à la naturalisation des étrangers et quelques mesures analogues obtinrent l’assentiment général et furent vantées ostensiblement par les hommes et par les partis qui déjà pourtant épiaient en dessous tous les moyens de discréditer les actes et les intentions du gouvernement provisoire.

La tâche de M. Bethmont, ministre du commerce et de l’agriculture, fut beaucoup plus restreinte encore que celle de M. Crémieux. Les choses qu’en des temps réguliers on eût jugées de son ressort se trouvaient par des circonstances exceptionnelles remises en d’autres mains. Tout ce qui, dans le mouvement agricole ou commercial, touchait à la politique se discutait au Luxembourg. Le reste relevait du ministère des travaux publics, du ministère de l’intérieur, du ministère des finances, ou même, en ce qui concernait l’institution commerciale des consulats, du ministère des affaires étrangères. Aucune entreprise vaste, aucune amélioration systématique n’était possible avec une pareille di-

  1. Les considérants de ces décrets, insérés au Moniteur des 2 mars, 10 mars et 13 avril 1848, témoigneront, dans l’histoire, de cette grandeur. Voir aux Documents historiques, à la fin du volume, no 15.