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HISTOIRE

pour poursuivre, partout où elle crût l’apercevoir, le progrès des idées démocratiques.

Cependant M. Crémieux, qui méconnaissait comme la plupart de ses collègues, les véritables dispositions du peuple, imagina, pour donner satisfaction aux instincts populaires, de faire exactement ce qu’avait fait la révolution de 1830. Il décida qu’un procès serait intenté aux ministres de Louis-Philippe et chargea M. Portalis, conseiller à la cour d’appel de Paris, qu’il venait de nommer procureur général, de dresser un réquisitoire contre MM. Guizot, Duchâtel, de Salvandy, Hébert, de Montebello, Trézel, Cunin-Gridaine et Jayr, inculpés de violation de la constitution par refus des banquets et d’excitation à la guerre civile, attentats prévus par l’article 91 du code pénal[1]. La cour d’appel, sous la présidence de M. Séguier, évoqua l’affaire et nomma deux conseillers instructeurs : MM. Perrot de Chezelles et Delahaye. Mais l’embarras fut grand de trouver un crime palpable dans les conseils confus de cette royauté qui s’était laissé chasser sans presque se défendre, et surtout quand il s’agit de déterminer la part de responsabilité légale qui revenait à chacun des ministres.

Ni les visites faites dans les différents ministères, ni les dépositions des nombreux témoins entendus ne produisaient de charges judiciaires. Chez M. Delessert, on ne trouva de sa main que des ordres dictés par le désir d’éviter l’effusion du sang. Au ministère de l’intérieur, les papiers de M. Duchâtel, qui aurait pu être compromis parce qu’il

  1. Voici les termes du réquisitoire de M. Portalis :

    « Considérant que MM. Guizot, Duchâtel, de Salvandy, Hébert, de Montebello, Trézel, Cunin-Gridaine et Jayr, en prohibant un acte non défendu par la loi et en portant sur plusieurs points de Paris des masses de troupes avec ordre de faire feu sur les citoyens, sont inculpés d’un crime prévu par l’article 91 du code pénal ;

    Que cet acte, s’il est établi, doit constituer le crime d’attentat ayant pour but d’exciter les citoyens et les habitants à s’armer les uns contre les autres et à porter la dévastation, le massacre et le pillage dans la commune de Paris, requérons, etc. »