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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

paysans qui avaient vu avec indifférence la chute de la dynastie, l’impôt des 45 centimes donna le premier branle à l’opinion ; il éveilla dans les campagnes un esprit d’hostilité contre la République. Un murmure général protesta contre l’avènement d’un gouvernement qui se manifestait par l’augmentation de l’impôt[1] et ce murmure prit, à la grande épreuve de l’élection présidentielle, un caractère d’opposition pratique extrêmement préjudiciable aux intérêts du pays[2].

J’ai dit que M. Garnier-Pagés, tout en approuvant dans son principe l’impôt progressif sur le revenu, y avait renoncé à cause des longueurs inévitables dans l’exécution du décret. Des considérations analogues lui firent ajourner la perception de l’impôt de 1 pour 100 sur le capital des créances hypothécaires décrété à sa requête. Une autre mesure d’intérêt public, à laquelle il avait paru favorable, le rachat des chemins de fer, ne fut pas non plus réalisée. Au lendemain de la révolution, le plus grand nombre des compagnies, alarmées par la dépréciation subite des actions, étaient venues d’elles-mêmes au-devant des intentions du gouvernement. Les actionnaires étaient presque unanimes à souhaiter le rachat, moyennant une indemnité équitable. Un rapport d’un projet de décret fut pré-

  1. Je trouve dans une publication récente ce passage d’une Note de Mirabeau pour la cour, en date du 6 octobre 1790, encore applicable à la révolution de 1848 : « On a promis au peuple plus qu’on ne pouvait promettre ; on lui donne des espérances qu’il est impossible de réaliser et, en dernière analyse, le peuple ne jugera de la révolution que par ce seul fait lui prendra-t-on plus ou moins d’argent dans sa poche ? – Vivra-t-il plus à son aise ? – Aurait-il plus de travail ? – Ce travail sera-t-il mieux payé ? » (Correspondance entre le comte de Mirabeau et le comte de Lamarck, v. II, p. 213.)
  2. Une des choses qui excitèrent le plus de mécontentement, parce qu’en réalité elle était souverainement injuste, c’est que l’impôt des 5 centimes fut assis, non sur la base de l’impôt ordinaire, mais sur la totalité des impositions extraordinaires que beaucoup de localités s’étaient imposées pour des travaux ou pour d’autres intérêts particuliers, d’où il résultait que les pays les plus grevés étaient encore surchargés.