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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

Le ministre ajouta qu’il estimerait plus utile et plus pratique de recommander aux percepteurs d’avoir égard à la situation de chaque contribuable et de dégrever partiellement ou en entier tous ceux pour qui l’impôt serait trop onéreux. Alors M. Dupont (de l’Eure) prit la parole pour soutenir l’opinion de MM. Ledru-Rollin et Louis Blanc. Il dit qu’habitant des campagnes, il les connaissait bien ; qu’il avait toujours vu partout le percepteur ménager le grand propriétaire et frapper sans merci le petit contribuable que remettre à un fonctionnaire subalterne l’appréciation des cas où il conviendrait de ne pas appliquer la loi, c’était vouloir qu’elle épargnât le riche, dont le mécontentement pouvait se faire sentir et qu’elle pesât de toute sa rigueur sur le pauvre, dont les réclamations n’arrivent que difficilement aux oreilles du pouvoir. Il conclut en affirmant que le nouvel impôt serait la source des plus graves embarras et qu’il ferait haïr la République par cette partie même de la nation sur laquelle elle devait s’appuyer. Mais M. Garnier-Pagès ne se laissa pas persuader il s’engagea, sur l’honneur, à ne pas faire peser l’impôt sur le pauvre ; le conseil ayant toute confiance dans sa loyauté et dans ses lumières, son avis l’emporta ; le décret fut signé[1].

Fidèle à sa promesse, le ministre accompagna la promulgation du décret d’une circulaire aux commissaires des départements. Il annonçait officiellement l’intention du gouvernement de dégrever les contribuables pauvres

  1. Peu de jours après, le club de la révolution apporta au gouvernement provisoire une pétition pour demander que les petits contribuables fussent affranchis de cette surcharge d’impôt. Après avoir entendu MM. Barbès, Thoré, Lamieussens, le ministre des finances répondit « qu’en effet la nouvelle République entendait le système des impôts tout au rebours du gouvernement monarchique que les charges publiques devaient être supportées par les privilégiées et que le peuple travailleur en serait libéré complètement, » Il promit, en conséquence, qu’un nouveau décret interprétatif serait incessamment publié dans le Moniteur.