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INTRODUCTION.

dévouements, la foi surtout dans les principes, l’enthousiasme pour les idées, le pressentiment de l’avenir.

Ce peuple que le gouvernement et les classes supérieures ne voulaient point appeler à la vie nationale, qu’ils ne voulaient pas même y préparer ; ces travailleurs qui ne se sentaient ni aimés ni honorés ; ces pauvres devenus capables de réfléchir sur les causes de leur pauvreté ; ces hommes de cœur et d’intelligence exaltés par le contact fiévreux de l’atelier, exaspérés par les détresses chaque jour croissantes de la famille, cherchaient avidement, en dehors des influences officielles, en dehors de l’instruction légale et de la charité privée si insuffisantes, un remède à leurs maux, un aliment à l’inquiétude de leur esprit. Il n’était pas difficile de prendre de l’empire sur de tels hommes. Également privés du pain du corps et du pain de l’âme, ils se précipitaient au-devant de la main qui leur apportait, ou seulement de la voix qui leur promettait l’un ou l’autre. Surpris, émus, reconnaissants, dès qu’on paraissait sensible à leur misère ; enclins à une curiosité crédule qu’augmentait encore un système d’instruction inconsidéré ; disposés par les conditions même de leur existence insalubre à une continuelle surexcitation nerveuse, les ouvriers des villes, oubliés par l’État, devaient se livrer sans réserve aux hommes ou aux partis qui, les premiers, comprendraient que là était la force de la société moderne, et que l’avenir appartenait à celui ou à ceux qui sauraient s’en emparer.

Le socialisme et le radicalisme entreprirent cette