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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

sur une vaste étendue et qu’il fallait continuer à tout prix ; obligé de faire face, avec 192 millions trouvés dans les caisses du Trésor[1], à une dépense courante de 125 millions par mois, de salarier les ateliers nationaux, de réorganiser l’armée et la garde nationale, de soutenir l’industrie et le commerce, de venir en aide aux ouvriers sans travail, de parer enfin à l’accroissement subit des dépenses, à la diminution des recettes, à l’éclipse du crédit qu’entraîne toute révolution, le gouvernement provisoire devait encore abolir sur l’heure plusieurs impôts très-productifs, mais impatiemment supportés par le peuple[2]. L’impôt sur le sel, l’impôt du timbre sur les écrits périodiques qui portait atteinte à la liberté de la presse, l’impôt des boissons, ne se pouvaient maintenir sans que le pouvoir parût mentir à toutes les promesses du parti républicain et ne se pouvaient non plus suppléer d’aucune manière.

L’impôt sur le sel, qui produisait, en 1780, 54 millions à l’État, aboli par la première République, rétabli par l’Empire en 1806, réduit par la Restauration au chiffre de 50 millions, et qui en avait donné sous Louis-Philippe 65, allait, par sa suppression totale, créer un déficit énorme. Il était difficile de songer à grever encore la propriété foncière très-obérée et qui attendait depuis longtemps un soulagement. De quelque côté qu’il se tournât, le gouvernement ne trouvait que des exigences à satisfaire et des ressources taries ou douteuses.

L’emprunt de 250 millions, contracté par le dernier gouvernement et sur lequel 82 millions seulement avaient été versés, était abandonné par les souscripteurs. C’était dire assez qu’un nouvel emprunt devenait impraticable.

  1. Le 25 février, les coffres de l’État contenaient 57 millions en valeurs de portefeuille, en numéraire 135 millions dont 127 millions à la Banque. Il fallait distraire 73 millions de cette somme pour le payement du semestre de la rente 5 pour 100.
  2. Voir le rapport de M. Garnier-Pagès à l’Assemblée nationale, séance du 8 mai 1848.