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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

place du Carrousel. En même temps ils font avertir le colonel de Courtais des dangers que court le gouverneur des Invalides. Quand on traverse le pont Royal, des cris : À l’eau ! se font entendre. Mais les bons citoyens, qui ont pris à cœur de sauver le général, pressent le pas et bientôt on arrive devant l’état-major, où le colonel de CourtLais et son chef d’état-major, M. Guinard, attendaient avec anxiéte cet ignominieux cortège. Dès qu’ils l’aperçoivent, ils courent au-devant du général Petit, l’enlèvent à l’émeute ; le colonel de Courtais, haranguant la foule, lui fait honte d’avoir pu accuser et insulter le brave guerrier chargé d’années (le général Petit comptait alors soixante-seize ans) qui, depuis 92 jusqu’à 1815, n’a cessé de combattre pour son pays, qui a reçu à Fontainebleau les dernières paroles et la dernière accolade de l’Empereur.

Les ouvriers, ouvrant les yeux sur l’énormité de leur faute, se dissipent aussitôt. Abandonnés par eux, les invalides se voient contraints de rentrer dans l’hôtel. Le lendemain, le colonel de Courtais, après s’être assuré du concours de la population dans le quartier des Invalides et avoir fait connaitre aux soldats qu’une enquête sévère serait ouverte pour découvrir les vrais coupables, annonça qu’à onze heures précises le général Petit serait solennellement ramené et réintégré dans son commandement. En effet, la réintégration se fit en grande pompe. M. Arago, au nom du gouvernement provisoire, l’état-major, une députation considérable des écoles, un peloton de la garde nationale, prirent la tête d’un cortège qui fut reçu dans la cour des invalides par le ministre de la guerre (c’était encore le général Subervie) et par une masse de 10 000 ouvriers environ, dont les acclamations arrachèrent des larmes d’attendrissement au vieillard si cruellement outragé la veille. Les instigateurs de l’émeute furent saisis en présence de leurs camarades et jetés en prison ; mais, pour détruire dans les imaginations populaires jusqu’à l’ombre d’un doute, le gouvernement décida que les scellés seraient ap-