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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

avaient mis en évidence, le général Changarnier, esprit ambitieux, capable de résolution, commandait à Alger, sous les ordres du duc d’Aumale, soixante-seize mille hommes d’excellentes troupes françaises et huit mille indigènes répartis sur les points importants du territoire. Ces forces, secondées par une escadre que la présence et l’action du prince de Joinville pouvaient entraîner peut-être à ne pas reconnaître le gouvernement révolutionnaire de Paris, seraient devenues, en faisant appel à tous les mécontents de la mère patrie, le noyau d’une résistance embarrassante. Il n’était pas très-difficile à la duchesse d’Orléans de gagner avec son fils la côte d’Afrique. La tentative timide qui avait échoué devant la froideur politique du parlement français aurait pris sur cette terre lointaine un caractère d’audace propre à frapper l’esprit des soldats. L’apparition dans le camp africain de la royale fugitive, deux jeunes princes très-braves et très-populaires à ses côtés, un brillant capitaine tirant l’épée pour venger son humiliation et lui rendre un trône, c’étaient là, sous les ardeurs d’un ciel qui fait le sang plus généreux et l’imagination plus vive, des prestiges puissants. Et si le drapeau monarchique se relevait en Algérie, qui sait ce que les partisans de la dynastie d’Orléans pouvaient encore tenter en France ! Heureusement, ces appréhensions du gouvernement provisoire ne furent pas de longue durée. On ne tarda pas à apprendre que le général Cavaignac était entré paisiblement en possession de son commandement, le prince de Joinville et le duc d’Aumale ayant très-noblement repoussé, en les qualifiant de rébellion, toutes les propositions de résistance qui leur furent faites.

Les deux dépêches par lesquelles M. Arago et l’amiral Baudin annonçaient aux princes les événements de Paris étaient arrivées à Alger le 2 mars. Afin sans doute d’atténuer le premier choc d’une nouvelle aussi inattendue, M. Arago n’insistait pas sur le caractère définitif du gouvernement républicain ; laissant même entrevoir comme un