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HISTOIRE

Danemark, à la Suède, aux États secondaires de l’Allemagne, le peu de vertu des chartes constitutionnelles ; elle frappait d’une terreur salutaire les rois abusés quelque temps par la fiction parlementaire et les jetait tout tremblants dans les bras de la Russie. Si la démagogie enfin débordait et menaçait l’Allemagne, l’occasion épiée depuis tant d’années s’offrait ; la Providence ferait le reste.

La République de 1848 pouvait donc se considérer comme parfaitement assurée contre les coalitions de Pilnitz et les manifestes de Brunswick. Non-seulement les États du continent n’avaient pas d’intérêt à commencer les hostilités, mais encore l’Angleterre, sans le secours de laquelle ils n’auraient pu entretenir leurs armées, avait un intérêt directement contraire. Depuis longtemps son animosité contre la France n’avait plus de motifs graves. L’empire des mers ne lui était plus disputé par cette vieille rivale. Ce n’étaient plus les Labourdonnays, les Dupleix, qui se jetaient à la traverse de ses ambitions elle voyait s’avancer par Constantinople, par le Caucase et la Perse, une autre ennemie. Une Rome orientale se dressait contre la Carthage du Nord, s’avançait en silence et se préparait à lui disputer la domination des Indes. Là savante politique de l’Angleterre n’avait garde, en de pareilles occurrences, d’écouter les instincts de la haine nationale contre la France. Sous la conduite de lord Palmerston, aussi bien que sous celle de Pitt, elle voulait maintenir l’équilibre européen afin de réaliser ses plans de monopole commercial. Intéressée à nous voir engagés dans des révolutions intérieures nuisibles au rétablissement de notre marine et au développement de notre industrie, elle était lasse de soudoyer contre nous des coalitions inutiles. Ses hommes d’État poursuivaient d’autres desseins. Ils s’appliquaient depuis bien des années à favoriser l’émancipation des peuples pour créer à l’industrie et au commerce anglais de nouvelles relations d’échange et s’efforçaient de prévenir par tous les moyens possibles l’agrandissement de la Russie.