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HISTOIRE

l’Autriche, suivait une pensée analogue. Mais les dispositions favorables de la Restauration et les embarras du règne de Louis-Philippe avaient laissé le champ libre aux ambitions du tzar. Il avait pu suivre, sans presque les dissimuler, ses plans d’agrandissement. Il avait achevé, sous les yeux d’une papauté complaisante, par violence et par ruse, par l’exil en Sibérie, par la confiscation, par la substitution frauduleuse du rite grec au rite catholique, par l’éducation despotique de la jeunesse, la ruine de la Pologne. Il se jouait à son gré, sous prétexte de protectorat, des provinces danubiennes. Il éveillait dans les populations slaves de la Bohême, de la Moravie, de la Hongrie, un esprit d’orgueil traditionnel, hostile à la Pologne catholique et à la Hongrie magyare, et qui pouvait, au premier jour, favoriser, en les détachant de l’Autriche germanique, la création d’un vaste empire néo-byzantin auquel il aurait dicté des lois. Vénéré d’un peuple dont les instincts sont nobles, le caractère fidèle, patient, courageux, prompt au sacrifice maître à la fois des deux plus grandes forces organisées de toute civilisation, le sacerdoce et l’armée, l’empereur Nicolas regardait de loin ce qu’il considérait comme la dissolution de la vieille société occidentale, catholique et protestante, absolutiste et constitutionnelle ; mais il avait trop de sagacité pour ne pas comprendre que tout lui commandait envers la France républicaine une politique d’abs-

    Votre sang a coulé pour elle dans des régions éloignées et vos intérêts les plus chers ont été constamment sacrifiés à ceux de ses États héréditaires. Vous formiez la plus belle partie de son empire et vous n’étiez qu’une province toujours asservie à des passions qui vous étaient étrangères. Vous avez des mœurs nationales, une langue nationale ; vous vous vantez d’une illustre et ancienne origine reprenez donc votre existence comme nation ! Ayez un roi de votre choix, qui ne règne que pour vous, qui réside au milieu de vous, qui ne soit environné que de vos citoyens et de vos soldats Hongrois, voilà ce que vous demande l’Europe entière, qui vous regarde ; voilà ce que je vous demande avec elle. Une paix éternelle, des relations de commerce, une indépendance assurée, tel est le prix qui vous attend, si vous voulez être dignes de vos ancêtres et de vous-mêmes. »