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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

séparé. Tour à tour centralisateur et décentralisateur, éteignant ou attisant le sentiment patriotique, excitant les passions subversives ou étouffant l’esprit de liberté, captant la noblesse ou provoquant les jacqueries, flattant tous les vices aussi bien du peuple que des grands, se jouant de la foi jurée et violant sans pudeur les droits les plus manifestes, le gouvernement autrichien s’est usé lui-même dans ce travail désorganisateur. En ces années dernières la décadence avait été rapide. Sous la conduite d’un vieux ministre sans passions et sans principes, le gouvernement impérial voyait ses finances délabrées, son crédit ruiné, son autorité affaiblie. Pressentant l’appui dont il aurait besoin pour écraser des peuples qu’il n’avait pas su gouverner, inquiet de voir le goût des libertés constitutionnelles pénétrer jusque dans l’armée, il se tournait vers son éternelle ennemie historique, vers une rivale astucieuse qui épiait avec joie les progrès de son mal : il recherchait l’alliance de la Russie et livrait ainsi le secret de son impuissance.

Bien que la Prusse semble, à ne considérer que ses finances et son administration, dans un état assez prospère pour expliquer jusqu’à un certain point l’esprit d’ambition qui l’agite, cependant, en 1848, elle n’était pas plus que l’Autriche en état de rien entreprendre contre la République française. Sans parler des obstacles que présente à l’action militaire de son gouvernement un territoire très-étendu, sans limites naturelles, un royaume de formation récente et factice, où se touchent sans se confondre des populations d’origine slave, saxonne, française et que la fermentation dissolvante d’un protestantisme industriel et d’un panthéisme communiste travaille jusque dans leurs profondeurs, il s’en rencontrait d’insurmontables dans le caractère du roi Frédéric-Guillaume IV et dans la position personnelle qu’il s’était faite. Ce prince versatile et sans franchise avait essayé à son avènement, par inquiétude d’esprit et par frivolité de cœur, ce que Pie IX avait sincèrement voulu par humanité évangélique.