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HISTOIRE

les agitations de la pensée du siècle ; un doute salutaire, précurseur de la foi nouvelle, inquiétant les consciences ; la science interrogeant la révélation ; la philosophie refaisant l’histoire ; la Germanie des Niebelungen devenue l’Allemagne de Faust ; enfin l’émigration polonaise, plus funeste au despotisme que l’émigration française ne s’était montrée jadis hostile à la liberté, propageant partout sur son passage la fièvre de l’indépendance tel était l’ensemble des faits, des idées, des progrès accomplis au sein de la société européenne. Et cette révolution morale mettait les monarques, abandonnés de l’opinion, dans l’incapacité d’entreprendre quoi que ce fût contre la France et sa révolution politique.

Que si de ces généralités de l’état social nous passons à l’état particulier, national ou territorial des puissances européennes ; si nous nous plaçons au point de vue diplomatique de ce qu’on a nommé l’équilibre européen, l’impossibilité d’attaquer la République devient encore plus manifeste.

Les traités de 1815 ont réduit la France à des limites trop resserrées pour que les rivalités les plus ombrageuses puissent sans folie rêver de les resserrer encore, tandis qu’aux premières hostilités l’occasion des conquêtes s’offrirait de tous côtés à notre ambition. Les deux grandes puissances allemandes poursuivent, d’ailleurs, chez elles, depuis la fin de la guerre continentale, un but qui les absorbe tout entières en les faisant ennemies. La prépondérance prussienne ou la domination autrichienne en Allemagne, c’est là entre elles l’objet d’une lutte opiniâtre et les embarras intérieurs les plus graves compliquent encore les difficultés de leur situation respective.

L’empire d’Autriche, sur le point d’être démembré après la mort de Charles VI, n’est parvenu depuis lors à retarder l’explosion des haines qu’il inspire à ses sujets de races étrangères, qu’en fomentant les rivalités nationales d’État à État, les animosités de classe à classe dans chaque État