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HISTOIRE

cieux pour recevoir tous les dévouements qui venaient s’offrir à la République. Adresses, félicitations, offrandes, y affluaient sans relâche. Autant que la soumission au gouvernement provisoire, l’admiration pour le peuple était à l’ordre du jour. Le ton dithyrambique s’élevait de minute en minute. Chacun voulait se signaler en excédant la mesure de la flatterie ; les plus effrayés étaient les plus prodigués de louanges. Les suffocations de la peur se soulageaient par des élans d’enthousiasme.

Le clergé avait donné l’exemple d’une adhésion spontanée, Dès le 24 février au soir, monseigneur Affre, archevêque de Paris, déclarait, se rallier sincèrement à la République et ordonnait aux curés de son diocèse de chanter aux offices le Domine salvum fac populum. Peu de jours après, le P. Lacordaire exaltait dans la chaire de Saint-Merry ce peuple superbe en sa colère. L’Univers, journal du parti catholique, s’exprimait en ces termes :

« Dieu parle par la voix des événements. La révolution de 1848 est une notification de la Providence. À la facilité avec laquelle ces grandes choses s’accomplissent, et lorsque l’on considère combien, au fond, la volonté des hommes y peu contribué, il faut reconnaître que les temps étaient venus. Ce ne sont pas les conspirations qui peuvent de la sorte bouleverser de fond en comble et en si peu de temps les sociétés humaines. Une conspiration qui réussit allume instantanément la guerre civile. Le principe politique attaqué et renversé par surprise cherche immédiatement à se défendre. Qui songe aujourd’hui en France à défendre la monarchie ? Qui peut y songer ? La France croyait encore être monarchique et elle était déjà républicaine. Elle s’en étonnait hier, elle n’en est point surprise aujourd’hui. Revenue d’un premier mouvement de trouble, elle s’appliquera sagement, courageusement, invinciblement, à se donner des institutions en rapport avec les doctrines qu’elle a depuis longtemps définitivement acceptées. La monarchie succombe sous le poids de ses fautes. Personne n’a