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HISTOIRE

faisait jouer à son gré ces deux grands ressorts de l’âme humaine.

Aussi, pendant plusieurs années, fut-il l’idole des sociétés secrètes. Les républicains les plus éprouvés se rangèrent à sa suite. Mais, après l’émeute du 12 mai, Barbès, surpris de rencontrer dans un conspirateur si intrépide en apparence des prudences, des habiletés que sa simplicité généreuse ne pouvait comprendre, étonné surtout des ménagements dont il le vit l’objet de la part du gouvernement, entra en défiance. Il alla jusqu’à l’accuser d’avoir, par lâcheté ou par trahison, fait manquer le coup de main dont il avait été l’instigateur. Le parti républicain, pour qui la parole de Barbès était sacrée, s’éloigna d’un homme auquel il retirait son estime ; bientôt il ne resta plus autour de Blanqui qu’un petit nombre de séides dont l’esprit s’exalta par la contradiction et dont le fanatisme ne connut plus de bornes.

La révolution de février trouva Blanqui dans une maison de campagne, aux environs de Blois, où, depuis 1846, la police le laissait jouir d’une liberté relative. Pendant que M. de Lamartine faisait tomber des mains du peuple ému le signe de la victoire, Blanqui, suivi de quelques-uns de ses séides, allait et venait dans les rues sombres qui avoisinent le Palais-Royal, s’entretenant avec eux des événements de la journée. D’amères critiques sur la marche d’un gouvernement usurpateur, émané des bureaux du National, animaient le discours. Qu’avait-il fait depuis vingt-quatre heures, qu’allait-il faire en faveur du peuple, ce gouvernement déjà rétrograde, qui n’appelait à lui que les hommes corrompus ? Il laissait à l’écart les véritables patriotes. Blanqui était oublié ! La révolution, en des mains pareilles, serait infailliblement escamotée, ainsi que l’avait été celle de 1830.

Comme on raisonnait de la sorte, un messager envoyé sur la place de Grève accourt hors de lui. Il vient de voir abaisser le drapeau rouge ; il a assisté au triomphe de La-