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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

rien que de naïf et d’honnête dans l’impulsion qui le faisait agir. À ces considérations tirées du sentiment et de la circonstance, M. Louis Blanc en mêlait d’autres qu’il empruntait à l’érudition, et qui n’étaient pas de nature à faire autant d’impression sur les esprits. Il parle de l’étendard des Gaulois, de l’oriflamme. Il explique que le drapeau tricolore, adopté en 1789 par la Fayette, au retour de Versailles, exprimait la coexistence des trois ordres sous le patronage de la royauté constitutionnelle, et ne pouvait plus convenir à l’unité républicaine. En présence d’une réalité si pressante, c’étaient là des arguments un peu subtils. La question était ailleurs. Il s’agissait uniquement de savoir ce que signifierait, dans les circonstances actuelles, l’adoption d’un signe nouveau ; de quelles prétentions il serait le point de départ pour ceux qui le réclamaient ; quels sentiments il ferait naître chez ceux qui l’avaient en appréhension. C’est à cet ordre d’idées que M. de Lamartine emprunta des objections qu’il fit valoir, son adversaire en convient lui-même, avec beaucoup de force[1]. Frappé plus que son jeune collègue du danger de donner un gage aux factions, craignant par l’abandon du drapeau tricolore de froisser l’armée et de laisser au parti orléaniste un signe glorieux de ralliement, M. de Lamartine exprima ses scrupules et ses craintes de manière à tenir en suspens l’avis du conseil. Cependant l’impossibilité complète où l’on se voyait d’opposer une résistance sérieuse à la volonté populaire qui s’accusait de plus en plus par l’intensité de ses clameurs, et surtout la pensée du sang qui allait couler peut-être pour une contestation de pure forme, finirent par l’emporter. Déjà l’on préparait un drapeau rouge, quand l’un des ministres, M. Goudchaux, entra précipitamment dans la salle des délibérations, et, protestant avec véhé-

    mystère suprême de l’amour divin qu’elle nomma par excellence la Fête-Dieu.

  1. Voir Appel aux honnêtes gens, par M. Louis Blanc.