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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

sion, elle tombe bientôt épuisée, laissant au monde frappé de stupeur, et qui la méconnaît parce qu’elle s’est méconnue elle-même, un nom glorieux et maudit, un testament mystérieux, inachevé, tracé en caractères de sang. Ce testament, est-ce une promesse, est-ce une menace ? Est-ce une bénédiction, est-ce un anathème ? Est-ce un sophisme inhumain, est-ce une vérité divine ? Est-ce le testament de la Gironde, celui de la Montagne, celui de la Commune ? Est-ce le testament de Condorcet, de Danton, de Robespierre, de Marat, de Babeuf ?

Quand Paris vit soudain reparaître sur ses murailles les trois paroles sacramentelles du testament républicain « Liberté, égalité, fraternité, » chacun se fit à soi-même ces questions terribles. Mais vaincus ou vainqueurs, bourgeois ou prolétaires, républicains ou royalistes, tous étaient hors d’état d’y répondre. Dans la déroute complète des forces matérielles et morales de la société constituée, tout semblait à la fois probable et impossible. C’est pourquoi, la raison se taisant, l’imagination, qui se joue de tout, promenait ses fantômes et ses chimères sur la.place publique.

Le gouvernement provisoire, en proclamant un peu malgré lui, sous la pression de la victoire populaire, la république démocratique, faisait-il donc, comme on le lui a reproché plus tard, un acte arbitraire, intempestif, contraire à l’opinion véritable du pays ? Je n’hésite pas à affirmer que non. Toute autre conduite, en l’admettant possible, eût été souverainement inintelligente des nécessités du temps, au rebours, si ce n’est des volontés explicites de la nation, du moins de ce vœu muet qui ressort pour l’homme d’État de l’ensemble des idées, de la situation des partis, et surtout du caractère général donné par les mœurs à une époque historique.

Examinons quel était ce caractère à la fin du règne de Louis-Philippe.

Répandu sur toute la surface du sol, attaché à une terre