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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

une étroite discipline. Chez les Athéniens, fille des Muses, elle orne la liberté de mille grâces, et nous séduit jusque dans ses erreurs par les prestiges d’un art immortel. Dans l’ancienne Rome, elle porte à son front l’orgueil des vertus civiques et marche d’un pas assuré à la domination du monde, que les dieux ont promise à la constance de ses desseins. À Carthage, on la voit opulente, avide et spéculatrice. Chez les peuples italiens, en proie à d’inquiets instincts de grandeur, elle semble se jouer des discordes civiles au sein desquelles elle invente ou retrouve la science et la beauté antiques. Au pied du Jura, dans les vallées alpestres, elle demeure stationnaire, presque immobile, à la garde d’un patriciat circonspect. Dans les Pays-Bas, elle se montre grave, persévérante, d’une sagesse qui touche à la grandeur. En Angleterre, pendant sa courte durée, elle s’inspire, à la voix d’un grand homme, de l’esprit des camps et du fanatisme des sectes. Aux États-Unis d’Amérique, enfin, la prodigieuse activité de son industrie et l’instinct puissant de l’association la mettent en possession d’un bien-être social dont aucun peuple du globe n’avait encore pu, jusque-là, se former l’idée.

Ainsi, soit que nous le considérions chez les anciens ou chez les modernes, au sein du paganisme ou du christianisme, l’état républicain tel que nous le retrace l’histoire, tour à tour oligarchique, démocratique, fédératif ou unitaire, catholique ou protestant, guerrier, industriel, maritime ou agricole, admettant ou rejetant l’esclavage, n’implique nécessairement aucun ordre social à l’exclusion d’un autre. On ne le voit soumis à aucune condition particulière d’existence religieuse, civile, politique ou géographique En vain chercherait-on, aux époques antérieures à la Révolution française, dans les institutions qu’il fonde, dans les hommes qu’il suscite, dans les faits qu’il produit, la raison des enthousiasmes et des épouvantes que nous venons de voir éclater au seul mot de république. C’est, en effet, uniquement dans les souvenirs les plus récents de nos propres