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HISTOIRE

colères. Par une puissance étrange, ce mot jetait les uns dans des frayeurs inouïes, les autres dans le délire de l’enthousiasme ; chez tous, il suscitait une même pensée : c’est qu’aucune résistance à la révolution n’était imaginable ; que désormais le seul maître c’était le destin, et qu’il allait à son gré, sans prendre souci ni conseil des hommes, remuer jusqu’en ses fondements la société ébranlée.

D’où provenait cette fascination exercée sur les esprits par un mot aussi ancien que le monde ? Comment le même mot pouvait-il, au même moment, dans le même lieu, éveiller chez une partie de la population de semblables transports et frapper l’autre d’un accablement si morne ? Essayons de nous en rendre compte.

Aux yeux du philosophe qui contemple l’idée pure, la république, c’est l’état le plus parfait auquel puisse se tenir une société entrée dans l’âge viril, qui s’affranchit de tutelle et se gouverne elle-même, soumise à la seule autorité légitime l’autorité de la raison commune, manifestée dans la loi. Expression à la fois permanente et variable des volontés individuelles réduites en volonté nationale, c’est la chose publique confiée à la sagesse publique. Tel se conçoit, dans le domaine abstrait de l’intelligence, l’idéal, la théorie, le principe absolu de l’état républicain.

Dans le cœur du juste, de l’homme de bien, la notion de république prend un caractère supérieur encore ; elle y devient l’expression du sentiment religieux appliqué aux institutions civiles. Le chrétien, s’il est pénétré de l’esprit de l’Évangile, ne saurait voir dans la république qu’une patrie plus douce et en quelque sorte plus maternelle, établissant dans la famille politique la fraternité de la primitive Église, et répandant avec sollicitude, sans choix ni privilège, sur tous ses enfants, les dons de la Providence.

Dans la mémoire de l’historien, la république apparaît, suivant les temps, les lieux, les mœurs, sous des aspects multiples.

À Sparte, elle est pauvre, guerrière, frugale et rude sous