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HISTOIRE

reconnaît et qu’honore la conscience publique. M. Dupont (de l’Eure) y apportait l’autorité d’une longue vie éprouvée et d’un caractère incorruptible ; MM. Arago et de Lamartine, l’illustration de la science et de l’art, la noblesse du langage, la délicatesse des mœurs, et cette tempérance des opinions éclairées qui devait, en rassurant les vaincus, aplanir les voies à la réconciliation MM. Ledru-Rollin et Louis Blanc, avec l’initiative révolutionnaire, la confiance plus intime du peuple. Aucune résistance sérieuse n’était à redouter au dedans, aucune entreprise à craindre du dehors.

Dans la nuit même de son installation, le gouvernement provisoire recevait, par la bouche des maréchaux, et des généraux les plus illustres, l’hommage de l’armée. La garde civique, compromise avec le peuple, se voyait en quelque sorte contrainte d’accepter comme sienne une révolution précipitée par son imprudence. Sur un signe du télégraphe, les départements allaient tous passer, en un clin d’œil, de la monarchie à la République. L’empressement sans pudeur des serviteurs de la dynastie à venir saluer cette République qu’ils déclaraient, la veille, plus impossible encore que haïssable, ne découvrait que trop, dans le pays légal, ce néant des convictions au sein duquel se prépare la décadence et se consomme la ruine des pouvoirs caducs. La vieille société quittait la place. La société nouvelle s’inclinait devant ses législateurs.

Considérer à ce point de vue la révolution de février et l’institution de la République, c’est, je ne l’ignore pas, entrer en contradiction complète avec l’opinion commune, qui ne veut plus voir aujourd’hui dans cette révolution que l’habile manœuvre d’une faction, qu’un acte de violence et de traîtrise. Suivant le nombreux parti humilié en février, un ordre donné à propos, un mouvement de troupes mieux exécuté, un prince de plus à Paris, un combattant de moins dans la rue, un orateur absent de la Chambre, et la dynastie était sauvée, et le pays légal reprenait, après un dés-