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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

exprès au fils de M. de Perthuis, qui commandait un garde-côte, afin qu’il disposât tout pour l’embarquement de la famille royale. Dans la nuit du 26 au 27, Louis-Philippe, Marie-Amélie, le général de Rumigny et M. Paulignes, officier d’ordonnance, arrivèrent, suivis de deux domestiques, dans la maison de M. de Perthuis. Le vent soufflait avec violence sur toute la côte. Le petit bâtiment de M. de Perthuis manqua vingt fois de chavirer dans le long détour qu’il lui fallut faire pour gagner Honfleur. Il était impossible de songer à se mettre en mer. Cependant la fermentation qui agitait déjà les populations qu’on venait de traverser était trop inquiétante pour que le roi pût, sans imprudence, prolonger son séjour dans un lieu si peu caché ; il fut convenu qu’on tâcherait de s’embarquer à Trouville. Le 28, à deux heures du matin, M. de Perthuis s’y rendit avec M. de Rumigny et M. Besson, ancien officier de marine, afin de frêter, s’il était possible, une barque de pêche. Le roi, qui avait pris le nom de Lebrun, les rejoignit vers dix heures avec Thuret, son valet de chambre. On passa la journée dans la maison d’un médecin, M. Biard. La tempête, loin de se calmer, redoublait de fureur. Les plus hardis pilotes déclaraient la mer impraticable ; néanmoins, on comptait à tous risques s’embarquer le lendemain, mais le 29 au matin, les mariniers vinrent dire à M. de Perthuis que la marée ne donnait pas assez d’eau pour prendre le large, et qu’avant trois ou quatre jours aucune barque de pêche ne pourrait sortir. Au même moment, on apprenait que la population de Trouville commençait à s’émouvoir ; le bruit courait dans la ville que M. Guizot s’y cachait. Il devenait périlleux pour Louis-Philippe d’y rester. Le 1er mars, en effet, vers dix heures du soir, la maison de M. Biard est subitement entourée par les gendarmes. On dit que ce n’est pas le ministre, mais le roi lui-même qui s’y trouve. Toute la population est sur pied. Le commissaire de police se présente pour faire une perquisition. Pendant que M. de Perthuis le reçoit avec une présence d’esprit qui