Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 1.djvu/350

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
334
HISTOIRE

regarder le parc, critiqua la disposition de quelques massifs : « M. Neveu s’est trompé, » dit-il ; et s’étant fait apporter une plume, il rectifia sur le plan ce qu’il considérait comme des erreurs. Mais tout à coup une détonation qui retentit sous les croisées du château le tira de cette espèce d’insouciance. La plus vive agitation se trahit sur son visage ; il demanda en toute hâte des chevaux pour Dreux et s’occupa, avec une anxiété visible, de changer de costume, afin de se rendre méconnaissable. Il ôta sa perruque, coupa ses favoris, mit d’énormes lunettes vertes, rabattit sur son front un bonnet de soie noire et enveloppa le bas de sa figure dans un cache-nez. C’est travesti de la sorte qu’il prit à la chute du jour la route de Dreux, où il arriva vers onze heures. Le maire et le sous-préfet, qui ignoraient les événements de la journée, se présentèrent aussitôt pour lui rendre leurs devoirs ; il leur annonça son intention de rester à Dreux trois ou quatre jours pour y attendre la résolution définitive des Chambres. Il parla avec prolixité de la sagesse de sa politique, des prospérités de son règne ; il se plaignit de l’ingratitude de certains hommes ; puis, avant d’aller se reposer, il visita aux flambeaux les dernières constructions qu’il avait ordonnées dans la chapelle. Pendant son sommeil, les autorités de Dreux apprirent, par un ami de M. Bethmont, qui venait de Paris, la déchéance de la dynastie et l’installation du gouvernement provisoire. Cette nouvelle, communiquée au roi à son réveil, le décida à quitter la France. On lui conseilla de se séparer de sa famille, afin de gagner plus facilement la côte.

M. le duc de Montpensier était resté dans Paris, il y demeura quinze jours, pendant lesquels il communiqua constamment avec M. de Rémusat, espérant encore un retour des événements. Sur ces entrefaites, le roi et la reine arrivaient dans une maison isolée appartenant à M. de Perthuis, aide de camp du roi, près la chapelle Notre-Dame de Grâce, sur le mont Joly, à peu de distance d’Honfleur. Le général Dumas dépêcha immédiatement un