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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

Le duc de Wurtemberg quitta Paris, muni de passe-ports pour l’Allemagne que lui envoya M. de Lamartine. Le gouvernement provisoire favorisait toutes ces évasions : M. Guizot, qui s’était enfui par les derrières du ministère de l’intérieur, avec MM. Duchâtel, de Salvandy, Hébert, au moment où M. Barrot venait en prendre possession[1], se réfugia chez madame de Mirbel, et y demeura plusieurs jours. M. de Lamartine et M. Arago facilitèrent sa sortie de France. Par un singulier hasard, le convoi du chemin de fer par lequel M. Guizot gagnait la Belgique emportait, au même moment et sans qu’il le sût, une femme dont l’influence sur lui, vraie ou supposée, avait excité la défiance universelle, une étrangère que l’opinion rendait en partie responsable de l’impopularité sous laquelle il succombait la princesse de Lieven[2].

Louis-Philippe, la reine, madame la duchesse de Nemours, M. le duc de Montpensier, entourés, comme nous l’avons vu, d’une escorte nombreuse, étaient arrivés à Saint-Cloud, entre deux et trois heures. Plusieurs fois, pendant ce rapide trajet, le roi, se parlant à lui-même, avait murmuré le nom de Charles X. Les souvenirs de 1830 et de tristes analogies revenaient en foule à sa mémoire. Cependant il ne manifestait aucune inquiétude ; encore moins songeait-il à prendre contre l’insurrection victorieuse des mesures politiques ou militaires. Quand le général Regnaud de Saint-Jean-d’Angély se présenta pour recevoir ses ordres et lui demander s’il devait rassembler les troupes ; organiser un plan d’attaque ou de résistance : « Cela ne me concerne plus, répondit le roi, c’est l’affaire de Nemours. » Étant allé à Trianon, il se mit à une fenêtre, y resta longtemps à

  1. Ce fut M. Chambolle qui avertit les ministres de l’arrivée de M. Barrot et de son cortége populaire.
  2. La princesse de Lieven, qui sentait cette réprobation peser sur elle, fut saisie d’un si grand effroi, que ses amis eurent toutes les peines imaginables à lui persuader de faire quelques pas dans la rue pour aller réfugier ses terreurs dans un asile inviolable, à l’ambassade d’Autriche.