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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

Pendant que la République prenait ainsi possession de Paris, un seul point isolé, l’hôtel des Invalides, recueillait encore les débris de la royauté, mais sans pouvoir les défendre. Là, comme au Palais-Bourbon, la duchesse d’Orléans résistait aux conseils timides qui la pressaient de mettre sa vie en sûreté. Il fallut, pour la décider à quitter sa retraite, qu’elle apprît de M. Barrot les tristes résultats de la tentative faite en sa faveur à l’Hôtel de Ville, et la nouvelle qu’un groupe de peuple se dirigeait sur les Invalides. Alors seulement elle consentit à s’éloigner. M. de Mornay la conduisit à pied chez une personne dévouée qui demeurait dans le voisinage, madame Anatole de Montesquiou. Le comte de Paris la suivit à quelque distance, entouré d’un groupe d’amis. Il était près de six heures. La princesse monta presque aussitôt dans la voiture de M. de Montesquiou avec le jeune prince. M. de Mornay et M. Regnier l’accompagnaient. La sortie de Paris fut difficile ; il fallait traverser des groupes d’insurgés à qui tout fuyard était suspect. Mis en joue à la barrière, le cocher lança hardiment ses chevaux au plus épais de la foule, au risque de fracasser sa voiture sur les pavés amoncelés ; sa hardiesse réussit. La princesse arriva le soir même au château de Bligny, près d’Arpajon, où le duc de Chartres lui fut amené par madame de Montesquiou. Elle y demeura jusqu’au 26, pendant que M. de Mornay, rentré dans Paris, se procurait un passe-port pour l’Allemagne[1]. Le 26, à dix heures du soir, elle gagna en poste le chemin de fer de Lille, où elle attendit, sans quitter sa voiture, le départ du convoi pour la Belgique[2]. En passant la frontière, la princesse, qui avait montré jusque-là beaucoup de calme et de résignation, fondit en larmes. Elle se rappelait sans doute

  1. M. Odilon Barrot avait conseillé à la duchesse d’Orléans de ne point rejoindre Louis-Philippe.
  2. Par le même convoi, M. Antony Thouret allait, en qualité de commissaire du gouvernement provisoire, faire proclamer la République à Lille.