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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

occupé par un ancien fournisseur des armées, M. Esprit, qui s’y est installé de son autorité privée et s’est déjà mis en fonctions dans les bureaux avec l’aide du colonel Allart. Ou l’envoie chercher de la part du gouvernement provisoire. Il refuse d’abord ; mais on parvient, sous un prétexte spécieux, à l’attirer à l’Hôtel de Ville. Là, on le retient pendant toute la nuit, on le garde à vue dans une salle voisine du conseil. On ne lui rend sa liberté que lorsque le général Subervie a pris possession du ministère. À ce moment critique, la moindre velléité de désobéissance pouvait amener des complications funestes. Par bonheur, aucun des officiers supérieurs de l’armée n’eut la pensée de tenter une résistance, et les adhésions des maréchaux Soult, Bugeaud, des généraux Duvivier, Leydet, etc., qui suivirent de près celles des généraux Bedeau et Lamoricière, rassurèrent bientôt complètement à cet égard le gouvernement provisoire.

Ainsi constitué et organisé, le conseil rendit à la hâte les décrets les plus urgents.

M. de Lamartine rédigea un décret laconique qui déclarait la Chambre des députés dissoute. En envoyant ce décret au Moniteur, M. Crémieux s’aperçut que son collègue avait oublié la Chambre des pairs, et intercala la ligne suivante : « Il est interdit à la Chambre des pairs de se réunir. » On annonçait dans ce décret la prochaine convocation d’une Assemblée nationale. Un autre décret pourvoyait à la garde des Tuileries et du Louvre. M. Ledru-Rollin pensait aux Beaux-Arts et annonçait le jour de l’ouverture du Salon[1]. Enfin une proclamation à la garde nationale la remerciait de sa fraternelle union avec le peuple et avec les écoles, et l’exhortait, au nom de la patrie reconnaissante, à maintenir l’ordre dans la capitale. Cette proclamation annonçait en même temps que désormais tous les citoyens faisaient partie de la garde nationale.

  1. Voir aux Documents historiques, à la fin du volume, n° 8.