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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

gouvernement à peine debout sur un sol qui tremblait. Il y eut plus d’hésitation pour le ministère de l’intérieur ; on flottait entre MM. Ledru-Rollin et Crémieux mais ce dernier, tranchant lui-même la question, déclara qu’il était indispensable de donner satisfaction au peuple en plaçant à l’intérieur l’homme qui représentait le mieux le mouvement révolutionnaire, et il se contenta du portefeuille de la justice.

M. Garnier-Pagès, élu maire de Paris par le peuple, tenant à garder ce poste important, n’accepta point de ministère. Il s’adjoignit à la mairie MM. Recurt et Guinard, en qualité d’adjoints[1], M. Flottard, en qualité de secrétaire général, et désigna pour les finances un banquier d’une probité reconnue, qui s’était fait au National une réputation d’habileté, M. Goudchaux. M. Carnot fut chargé du ministère de l’instruction publique, auquel on réunit les cultes. M. Marie reçut le portefeuille des travaux publics, et M. Bethmont, député de l’opposition, celui du commerce. Le commandement général de la garde nationale et de la première division fut donné au colonel de Courtais, membre de la Chambre des députés, ancien officier de l’armée royale, qui avait le don et le goût de la popularité. La nomination de M. Charles Lagrange, que le peuple avait salué du titre de gouverneur de l’Hôtel de Ville, ne fut ni contestée ni officiellement ratifiée. M. Lagrange déployait déjà beaucoup d’activité dans ses nouvelles fonctions, et personne ne songea à les lui disputer.

La plus grande difficulté, c’était de pourvoir au ministère de la guerre. On ne savait trop à qui se fier ni comment concilier avec l’ancienneté ou l’éclat des services la loyauté républicaine. Le seul républicain connu et en mesure d’occuper un poste aussi important, le général Eugène Cavaignac, frère de Godefroi, était en Afrique. On le nomma

  1. M. Guinard refusa, et fut nommé chef d’état-major de la garde nationale. Il fut remplacé à la mairie par M. Buchez.