Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 1.djvu/334

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
318
HISTOIRE

ment au nom du peuple français et qu’il préfère[1] la forme républicaine, ni le peuple de Paris ni le gouvernement provisoire ne prétendent substituer leur opinion à l’opinion des citoyens, qui seront consultés sur la forme définitive du gouvernement que proclame la souveraineté du peuple.

« L’unité de la nation, formée désormais de toutes les classes de citoyens qui la composent ; le gouvernement de la nation par elle-même ;

« La liberté, l’égalité et la fraternité pour principes ; le peuple pour devise et mot d’ordre : voilà le gouvernement démocratique que la France se doit à elle-même, et que nos efforts sauront lui assurer[2]. »

On voit par là que M. de Lamartine, soit irrésolution, soit désir sincère de maintenir le bon accord, faisait céder ses convictions personnelles aux vœux de la majorité. M. Ledru-Rollin ne signa point cette proclamation, la trouvant trop ambiguë. M. Flocon, qui l’avait signée sans la lire, biffa son nom en voyant que M. Ledru-Rollin n’y avait pas mis le sien. M. Albert, qui n’était pas présent, ne put signer la pièce originale. Son nom fut ajouté sur l’épreuve du Moniteur, avec celui de M. Flocon, par M. Louis Blanc.

Cependant le peuple, en proie à une inquiétude et à une irritation toujours croissantes, ne cessait d’envoyer au gouvernement provisoire des délégués armés qui menaçaient des plus terribles malheurs si l’on ne se hâtait de proclamer la République. Les faubourgs et la banlieue versaient incessamment sur la place de nouvelles masses populaires qui ranimaient l’ardeur de celles que l’attente avait lassées ;

  1. Un pâté d’encre recouvre sur l’original manuscrit le mot préfère. Une correction de M. Louis Blanc en marge substitue ces mots : soit de cœur et de conviction pour le gouvernement républicain.
  2. M. Carnot, dans des fragments de son Mémorial de 1848, publiés dans la Politique nouvelle, donne une version un peu différente de cette proclamation. Il explique les variantes de ce document en disant que M. de Lamartine corrigeait son manuscrit en dictant successivement à plusieurs personnes.