Page:Agoult - Histoire de la révolution de 1848, tome 1.djvu/303

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
287
HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

politique, n’était-elle pas intéressée à repousser un gouvernement né de l’insurrection, une république jacobine ? À la vérité, dans son Histoire des Girondins, M. de Lamartine avait glorifié la Montagne et Robespierre ; mais, dans le même ouvrage, que de larmes pour Marie-Antoinette ! que de sympathie pour les belles et nobles victimes de la Révolution ! Poëte, homme de sentiment et d’imagination, que n’avait pas dû produire sur lui ce tableau pathétique d’une royale et suppliante maternité, aux prises avec l’emportement d’un peuple aux bras nus, conduit par des chefs subalternes ?

Sans aucun doute, le chantre des Méditations allait toucher les cœurs, émouvoir les esprits, courber sous le sceptre magique d’une femme la révolution subjuguée : voilà ce que pensaient tout bas les partisans de la régence.

Il n’en fut pas ainsi. Lamartine obéit a une inspiration plus virile. Il avait vu de près, dans ces derniers temps, l’aveuglement du parti conservateur et la pusillanimité de l’opposition dynastique. Depuis vingt-quatre heures, il observait d’un œil attentif les expédients d’une royauté aux abois, l’insuffisance des hommes qui gouvernaient encore, l’énergie et l’audace des chefs républicains ; il crut sentir que l’heure approchait d’un gouvernement plus sincère et plus fort, appuyé sur l’amour et la confiance du peuple.

Dès le début de la session, les radicaux avaient sondé les dispositions de M. de Lamartine, mais avec des précautions infinies ; il n’ignorait pas, toutefois, que, depuis la publication de l’Histoire des Girondins, le parti démocratique, en cas de victoire, ne pouvait lui refuser une part considérable dans le gouvernement des affaires. Le combat des trois jours engagé, on s’était ouvert davantage. En apprenant, le mercredi, à minuit, la catastrophe du ministère des affaires étrangères : « C’est un 20 juin pour demain, s’était écrié M. de Lamartine, qui avait toujours présentes à l’esprit les grandes scènes dont il s’était fait le rapsode ; après-demain nous un 10 août. » Le jeudi matin, il fut informé