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HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

empêcher à tout prix la régence et à proclamer la République.

Après avoir franchi les quais au pas de course, les insurgés sont arrivés jusqu’à la grille du palais Bourbon, faisant face au pont de la Concorde. Deux mille hommes de troupe sous les armes gardent la Chambre.

« Vous n’entrerez pas ! récrie le général Gourgaud ; la Chambre délibère ; vous y porteriez le désordre : il faut que la Chambre soit respectée. — Nos pères ont franchi vingt fois les portes de l’Assemblée nationale, répond le chasseur Cochet ; nous entrerons bien une fois dans la Chambre des corrompus. »  et la colonne s’apprête à forcer le passage. « Attendez, du moins, reprend le général avec fermeté, attendez que nous sachions ce qui se fait à la Chambre. Je vais y aller, et je vous donne ma parole que je reviendrai immédiatement vous dire sur quoi l’on délibère. » On attend, en effet, quelques instants, mais bientôt, les insurgés, impatientés de ne pas voir reparaître le général Gourgaud, escaladent, en dépit des sentinelles, le mur latéral à la grille, montent en courant le péristyle, et cherchent à pénétrer dans l’enceinte.

À ce moment, le général sort du palais et vient à leur rencontre ; son émotion est extrême. On lit sur son visage un découragement profond. Par respect pour un vieux militaire, les insurgés s’arrêtent, reculent ; ils redescendent le perron et font silence. « M. Crémieux est à la tribune, dit le général. Il combat la proposition d’une régence. M. Marie va venir lui-même vous l’annoncer. C’est un ami du peuple ; attendez-le.

— Général, s’écrie Dunoyer, les amis du peuple sont rares à la chambre. La majorité va étouffer leur voix ; au nom de la France, général, ne nous arrêtez pas ici ! »  Disant cela, il donne à sa colonne le signal d’avancer, et se précipite à sa tête, par la petite porte de la grille à droite. La troupe qui stationne ça et là, l’arme au pied, ne reçoit pas d’ordres et reste neutre. La garde nationale de service,