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HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

tient pas le silence. « Que toutes les personnes étrangères à la Chambre, dit le président, se retirent. » C’était, sous cette forme plus générale, une injonction nouvelle à la duchesse d’Orléans de quitter l’enceinte. Cédant aux invitations qu’on lui adresse de toutes parts, elle monte par l’escalier du centre, mais elle ne peut se décider encore à sortir et s’assied sur les gradins supérieurs avec ses fils ; le duc de Nemours se tient toujours auprès d’elle et prend des notes au crayon. MM. Dupin, de Girardin, quelques officiers de la maison du comte de Paris et quelques gardes nationaux, formant devant la princesse un demi-cercle, la dérobent aux regards. « M. Barrot ! où est M. Barrot ? » s’écrie-t-on de toutes parts. On le cherche, on l’attend avec anxiété. On semble croire qu’il peut seul imprimer une impulsion décisive à cette agitation confuse. Enfin le ministre de la régence paraît dans la salle. Tous les yeux se tournent vers lui ; on l’environne ; on lui crie de monter à la tribune. Le moment est solennel.

M. Barrot venait à la Chambre le cœur encore rempli d’illusions. Après avoir été au ministère de l’intérieur, où il s’était occupé, de concert avec MM. Malleville, Bixio, Pagnerre, de prendre quelques mesures d’ordre ; après avoir fait jouer le télégraphe pour annoncer aux départements l’abdication du roi et la régence[1] ; après avoir envoyé, par le colonel de Courtais, aux troupes de la place de la Concorde, l’ordre de ne pas tirer sur le peuple, il était allé, avec M. Biesta, à la rencontre de madame la duchesse d’Orléans ; mais, ne l’ayant pas trouvée, il s’était rendu en toute hâte à la Chambre. Là, au moment, d’entrer dans la salle des délibérations, M. Emmanuel Arago et quelques députés, qui épiaient son arrivée, l’avaient entraîné dans un bureau[2], où une vive discussion s’était en-

  1. Voir aux Dacuments historiques, à la fin du volume, n° 6.
  2. Ce bureau avait été mis à la disposition de M. Arago sur ordre exprès de M. Sauzet, qui ne paraissait pas se rendre un compte bien net de la situation.